Le travail en classe sur la Shoah et les crimes nazis peut difficilement aujourd’hui se passer de l’Internet, notamment de l’accès désormais aisé à des milliers de documents internationaux sur le sujet. Mais l’Internet offre aussi et surtout des solutions à l’enseignant confronté aux difficultés d’aborder la Shoah : comment ne pas réduire le cours à l’affirmation d’un « devoir de mémoire », comment concilier émotion et rigueur historique ?
Dominique Natanson, enseignant d’histoire-géographie et animateur du site Mémoire juive et éducation, propose dans ce volume des activités pédagogiques où l’Internet favorise l’implication des élèves dans leur approche du génocide, de l’étude de document à la publication d’un témoignage de déporté. Il donne également aux professeurs des conseils pour préparer leurs propres séances (le coup d’œil du prof pour repérer un site négationniste, par exemple), ainsi qu’un important recensement des ressources disponibles sur l’Internet.
Sommaire
Auteur : Dominique Natanson
128 pages
Prix 12 € 78,71 FF
ISSN 1288-7676
ISBN 2-86634-368-9
Paru le 10 décembre 2002
Editeur : CRDP de Bretagne
– sur le site du Café Pédagogique
http://www.cafepedagogique.net/disci/biblio/
– sur le site de Daniel Letouzey
HISTOIRE ET MEMOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
– sur le site du Café Pédagogique :
Une interview de Dominique Natanson sur l’enseignement de la Shoah
– Listes de liens en rapport avec cet ouvrage
Liste organisée de liens pour les enseignants et les élèves
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Internet utilisé
comme outil de mémoire
Professeur d’histoire
au collège Maurice WajsfeIner de Cuffies,
Dominique Natanson vient de publier un ouvrage destiné à présenter aux enseignants la manière d’aborder la question
de la Shoah avec Internet comme outil
de mémoire.
« PEUT-ON enseigner la Shoah ? Peut-on enseigner l’indicible ? » Ce sont les questions que Dominique Natanson pose d’emblée dans l’introduction de l’ouvrage qu’il vient de publier (1) à destination du corps professoral.
Lui-même petit-fils de déporté, Dominique Natanson
enseigne l’histoire au collège Maurice-WajsfeIner de Cuffies qui porte le nom d’un enfant juif déporté en 1944 et mort à Auschwitz. En 1992, il avait déjà publié un travail réalisé en partie avec ses élèves, « La mémoire juive en Soissonnais », livre qui avait reçu le prix Corrin contre la banalisation et l’oubli de la Shoah.
Depuis six ans, il anime aussi le site « Mémoire juive et éducation » (2) où il répond aux questions de collégiens et lycéens. « Je reçois des dizaines de messages chaque jour, de collégiens, de lycéens, d’étudiants mais aussi d’adultes », raconte Dominique Natanson.
L’importance d’Internet comme outil pédagogique est partie d’un constat : « Les négationnistes ont été les premiers à être présents sur le réseau. Quand on utilisait un moteur de recherche et qu’on tapait Auschwitz, parmi les dix premiers sites, il y en avait trois ou quatre négationnistes ». Le professeur donne d’ailleurs à ses collègues de précieux conseils pour « repérer » un site négationniste, sans même avoir à l’ouvrir.
Donner du sens
De façon générale, Dominique Natanson considère que « c’est l’élève lui-même, à travers ses tâtonnements, qui doit » se construire une mémoire « , une conscience, basée sur une connaissance rigoureuse des faits ».
Ainsi, explique le professeur cufficien, « il semble que les dispositifs où l’on utilise l’Internet sont particulièrement bien adaptés à cette « construction du sens « par l’élève ». Selon Dominique Natanson, il convient cependant
de « privilégier des formes de production qui visent à communiquer avec les autres, a faire partager savoir et émotion ».
Autre constat que livre enfin le professeur de Maurice-Wajsfelner, « l’outil de l’Internet répond assez bien aux dimensions internationales de l’extermination. Des survivants, des pédagogues, des historiens, des chercheurs, des acteurs de la mémoire sont disséminés dans le monde entier ».
Ainsi, note Dominique Natanson, « on peut se connecter au site de Yad Vashem, à Jérusalem, comme à celui du Musée mémorial de l’Holocauste, à Washington ». Le Web est ainsi une banque de données inestimable.
Mise en pratique
Parce que son ouvrage n’est
pas une fin en soi, l’enseignant a bien évidemment eu le souci d’en appliquer les préceptes à sa propre pratique éducative :
« J’ai commencé un gros travail avec une centaine d’élèves du collège. Par le miracle des E-mails, ils peuvent ainsi communiquer avec un ancien déporté qui habite dans les Pyrénées.C’est un témoignage direct ».
En mars prochain, la compagnie théâtrale Nomades proposera, au sein de l’établissement, une lecture d’extraits d’une pièce sur le nazisme tandis que des élèves de 3e présenteront des textes qu’ils auront écrits en s’inspirant des dessins d’un ancien déporté, Serge Smulevic.
Ph.R.
(1) Collection « J’enseigne avec l’Internet » : « La Shoah et les crimes nazis », Centre régional de documentation pédagogique de Bretagne. 12 €
(2) www.memoire-juive.org
L’Union, 18 décembre 2002
Le Café Pédagogique
Critique parue sur le site : http://www.cafepedagogique.net/disci/biblio/
Dominique Natanson,
J’enseigne avec Internet la Shoah
Dominique Natanson est bien connu des enseignants d’histoire. Il est l’auteur de l’excellent cédérom « J’ai vécu au XVIIIème siècle » qui permet un véritable apprentissage du métier d’historien dès le collège. Il est aussi l’animateur du site « Mémoire juive » qui depuis des années apporte des réponses accessibles et précises aux questions des élèves sur le judaïsme, l’antisémitisme et la Shoah.
L’ouvrage de Dominique Natanson, pose la question du devoir de mémoire : peut-on et doit-on enseigner la Shoah ? Sans doute doit-on, comme le suggère l’auteur, à la fois transmettre la connaissance précise du génocide et la douleur qui l’accompagne afin de construire plus une conscience qu’une mémoire.
Et pour cela Internet semble bien adapté puisqu’il permet une approche active et personnelle de la question. Mais il pose aussi des problèmes dont le moindre n’est pas la présence sur le réseau du négationnisme. Dominique Natanson n’évacue pas la question et pose avec beaucoup de clarté les bonnes questions. Faut-il pour travailler sur le négationnisme emmener les élèves sur des sites négationnistes ? Pour lui « une telle démarche n’est pas recevable. Car il s’agit de prévenir, de démonter la démarche des négationnistes et non deleur répondre terme à terme. La question que l’on doit poser aux négationnistes n’est pas « quelle est la valeur de tel ou tel de vos arguments ? », c’est bien plutôt « où voulez-vous en venir ? ». Ajoutons qu’il est délicat pour le professeur d’histoire de faire étudier des sites qui nient l’histoire. Aussi D. Natanson nous apprend à reconnaître dans les réponses des moteurs de recherche les sites à éviter.
L’ouvrage peut alors nous proposer plusieurs démarches : constituer et exploiter des dossiers documentaires, inscrire cette recherche dans un projet (voyage à Auschwitz par exemple), utiliser la correspondance électronique avec des témoins, construire les notions de génocide et de crime contre l’humanité.
L’ouvrage se termine par un recensement de sites ayant un intérêt éducatif ainsi que par des pistes bibliographiques et filmographiques.
Cet ouvrage facilite la préparation de la Journée de la Shoah mise en place par le Conseil de l’Europe. Le déplacement de la seconde guerre mondiale du débit de programme en terminale vers la fin du programme de première peut laisser craindre que la Shoah soit moins bien enseignée en lycée. L’ouvrage de Dominique Natanson donne des pistes suffisamment concrètes pour faciliter le travail de mémoire. Cet ouvrage est décidément indispensable.
François Jarraud
Dominique Natanson, J’enseigne avec Internet la Shoah et les crimes nazis, CRDP de Bretagne, 2002, 128 pages.
http://www2.ac-rennes.fr/crdp/doc/librairie/asp/ActuEdition.asp
http://perso.wanadoo.fr/d-d.natanson/jenseigne.htm
Une critique de Bernard Defrance :
http://www.bernard-defrance.net/actua/index.php?actu=88&PHPSESSID=ead15d38b4566f6492d4acb23b513934
CHRONIQUE INTERNET
HISTORIENS & GEOGRAPHES No 382
par Daniel LETOUZEY *
(APHG CAEN, Lycée Marie Curie Vire)
(* secrétaire de la Régionale de Basse-Normandie)
http://aphgcaen.free.fr/chronique/aphg382.htm#2gm
HISTOIRE ET MEMOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Dominique Natanson vient de publier » J’enseigne avec l’Internet, la Shoah et les crimes nazis » (CRDP Bretagne).
Dans son introduction, l’auteur développe sa conception des rapports entre l’histoire de la Shoah et l’éducation :
» Peut-on enseigner la Shoah ? Peut-on enseigner l’indicible ? Au seuil de cette brochure destinée à proposer des démarches pédagogiques et des pistes de ressources documentaires présentes sur l’Internet, je voudrais tout d’abord, inciter à la modestie, inviter le lecteur à mesurer la distance qui nous sépare des camps nazis. Nous les avons étudiés, nous avons lu quelques récits, nous avons travaillé la question, nous nous sommes même crus autorisés à intégrer la Shoah dans un cours structuré, avec des tenants et des aboutissants, avec des allégements et des simplifications didactiques… Et pourtant, nous ne comprenons rien aux camps nazis. […]
Et si c’était justement ces deux aspects qu’il fallait transmettre par l’école : à la fois, la connaissance précise du génocide, des mécanismes du meurtre de masse, et, en même temps, cette brûlure, cette indicible meurtrissure de tout être humain confronté à la Shoah ? S’il fallait communiquer cela, aux jeunes qui sont en face de nous, pour les aider à se construire, comme être humain, comme citoyen, pour leur apprendre à repérer les » nouveaux bourreaux » , à identifier la gangrène profonde d’une société : le racisme, l’exclusion, le fascisme, l’exploitation ».
Dominique Natanson propose une douzaine de scénarios permettant d’impliquer les élèves dans une démarche active d’histoire et de mémoire : explorer les ressources documentaires dans le cadre d’un projet de recherche ( » Le nazisme et les violations des droits de l’homme « ), croiser deux ou plusieurs disciplines ( » l’art et les camps « , » la culture yiddish « ), préparer un voyage du souvenir et en rendre compte, utiliser la correspondance électronique pour recueillir un témoignage à distance (exemple des » enfants cachés « ), construire une séquence d’ECJS autour des notions de génocide, de crime de guerre, de crime contre l’humanité…
Cet excellent ouvrage prolonge l’activité de notre collègue, petit-fils de déporté, dans le cadre du site » Mémoire juive et Education « , site que nous avons eu l’occasion de mentionner. Il permet également de vérifier l’importance du travail déjà accompli par l’ensemble de ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Shoah : les adresses web occupent trente pages au total, dont six pour les différents camps. Ce constat devrait rassurer ceux de nos collègues qui voudraient continuer d’assimiler Internet à l’expression des négationnistes.
Deux regrets personnels, indépendants de cet ouvrage :
– L’écart considérable entre cet investissement – la qualité des débats qu’il suscite – et le temps réel disponible, en classe de troisième ou de terminale (bientôt de première).
– L’absence de volonté de mise en réseau de ces multiples initiatives francophones. Le noyau central des auteurs est aisément identifiable ; leur sociologie et leurs motivations pourraient aussi être étudiées.