Quels noms donne-t-on à l’extermination des Juifs dans le monde, aujourd’hui ?
Serge Allouche, collégien du Collège La Garenne, à Voiron (Isère) pose la question : « Que veut dire shoah ? Que veut dire holocauste ? »
Au lendemain de la guerre, le tribunal de Nuremberg a défini l’extermination des Juifs comme un génocide. Presque aussitôt, des auteurs américains l’ont appelé « holocauste ». Mais ce terme crée un problème en raison de son sens de sacrifice. Aussi, à l’exception du monde anglo-saxon qui l’utilise encore, les Juifs européens emploient-ils de plus en plus le mot « Shoah » qui signifie «catastrophe».
D’après Jean-Pierre Azéma et François Bédarida,
1938-1948, Les années de tourmente de Munich à Prague,
Dictionnaire crtitique,
article « Shoah », Flammarion, 1995.
La naissance du mot « génocide »
En août 1941, Winston Churchill, évoque dans un discours les crimes nazis. Il déclare : « Nous sommes en présence d’un crime sans nom« .
En 1944, Raphaël Lemkin, un juriste juif polonais, réfugié aux Etats-Unis, invente le « génocide » :
L’etymologie du mot « Génocide »
par Koné Dramane
[Evoquons maintenant] l’étymologie du mot « génocide », c’est-à-dire l’histoire de sa forme et de son sens. Du point de vue de sa forme (ou morphologie), le mot « génocide » est formé du grec « genos » (rare) et du suffixe– « cide » qui signifie « tuer ». On retrouve ce suffixe dans homicide (volontaire), insecticide, suicide, (guerre ou haine) fratricide. Du point de vue sémantique, le génocide est une destruction méthodique d’un groupe ethnique. Ainsi, l’extermination méthodique des Juifs par les Nazis de 1941 à 1945 est un génocide. Cette tragédie majeure est si indicible que l’on l’a individualisée par le mot « Shoah« . Le concept juridique de génocide est né en 1944, créé par un juriste américain du nom de Raphaël Lemkin, devant l’ampleur prise par le massacre des Juifs, exterminés simplement parce qu’ils étaient juifs. Il a été depuis ratifié par la Convention de 1948 et utilisé parfois à bon escient, parfois de façon contestable et même parfois de façon abusive […]. De nos jours, les massacres des cambodgiens, des kosovars, des kurdes, des tutsis du Rwanda, des guébiés de Côte d’Ivoire sont de bons exemples d’utilisation correcte du mot « génocide« . Dans ce mot, on y saigne, on y viole, on y tue, on y assassine. Délibérément et normalement au nom de l’ethno-nationalisme porté à son paroxysme.
Extraits d’un article paru dans Notre voie, Nº 540 – Samedi et Dimanche 27 Février 2000
Le linguiste qui est tenu pour responsable de chaque mot, même ceux des autres, rappelle avec insistance que ce mot écran plein de violations des droits de l’homme, de malheurs, d’atrocités et d’éternité, ne rompt jamais son lien avec l’Histoire ou le passé qui finit toujours par rattraper les bourreaux. Inéluctablement.
http://www.africaonline.co.ci/AfricaOnline/infos/notrevoie/540POL5.HTM
LEXIQUE :
- extermination : action de détruire complètement.
- génocide : massacre systématique de tout un peuple. Ce mot s’applique à d’autres massacres de masse : génocide des Indiens d’Amérique, des Arméniens en 1915, des Tutsis du Rwanda en 1994…
- On parle aussi de « judéocide » : massacre systématique des Juifs.
- holocauste : dans la Bible, sacrifice religieux où la victime était détruite entièrement par le feu (« holocaust » en anglais). Ce mot a été fortement contesté en Europe : l’extermination des juifs n’est pas un sacrifice fait à Dieu.
- shoah : en hébreu, catastrophe. On trouve aussi parfois d’autres orthographes : shoa, choa. Ce mot a été rendu célèbre par le titre du film de Claude Lanzmann « Shoah » et adopté majoritairement en France, par opposition au terme holocauste.
- solution finale : nom donné par les nazis à leur plan d’extermination des Juifs. Dans leur esprit, il s’agissait de la « solution finale du problème juif ».