Ce site est dédié à Miryam, Aron, Lucien Natanson…

La question du pardon

Jean-Marie Vingerhoets, étudiant à Charleroi (Belgique), me demande : « Avez des témoignages ou autre sur le pardon (avec différentes opinions, par exemple : « Oui, je leur pardonne » ou « Non, je ne leur pardonne pas ) ? »
    D’autres élèves me posent des questions sur le pardon, après Auschwitz.

Pour qu’on puisse pardonner à quelqu’un, il faut qu’il vous demande pardon !

Peu nombreux sont les survivants des camps qui parlent du pardon. Ce n’est pas la question qui hante leur vie :

Les rêves, ça ne s’arrête jamais…

« Les rêves, les rêves. vous savez, pendant des années, au début, je ne rêvais pas du tout. Mais maintenant, tous ces rêves. Il y a deux semaines, je rêvais des Allemands, ils essayaient de me retrouver. Je me suis réfugiée dans l’océan, je me suis cachée dans l’océan du monde jusqu’à ce que les Allemands s’en aillent. Toutes sortes de rêves. Ça ne s’arrête jamais. croyez-moi, jamais, jamais, jamais. Des fois, vous savez quoi ? Je voudrais être morte, moi aussi [Elle pleure. ] Je voudrais être morte. Parce que je ne m’en sors plus avec ça. »

Perla K,
née à Corfou, en Grèce en 1928,
déportée enfant à Auschwitz-Birkenau, puis à Bergen-Belsen, puis à Dachau,
témoignage enregistré en 1990.
Témoignages cités dans Témoigner, Paroles de la Shoah, Flammarion, 2000

J’ai tout de même trouvé ce témoignage. Voici ce que dit Ruth Klüger, déportée à l’âge de 11 ans à Theresienstadt, puis à Auschwitz :

Le pardon, c’est à vomir…

« Le temps me file entre les doigts, et quand ai-je jamais été maîtresse de ma vie ? Où que je regarde, il n’y a que des tessons. Il n’y a qu’à mon intransigeance que je me reconnais, c’est à elle que je me raccroche. Laissez-la-moi.
Je me bats avec ces pensées, parfois je les dis, parfois je les bredouille toute seule, ou bien elles disparaissent après avoir jeté une brève lueur comme sur un écran défectueux. Chez Hofmannsthal, Electre dit : « Je ne suis pas une bête, je ne peux pas oublier. » Le pardon, c’est à vomir : je le pense et je le dis.»

Ruth Klüger,
Refus de témoigner, Une jeunesse , Viviane Hamy, 1997

Ceux qui ne demandent pas pardon


Qui sont ces criminels nazis auxquels « il faudrait » pardonner ?

Les crimes contre l’humanité sont déclarés imprescriptibles

A la génération suivante ?

  • L’impensable dialogue

Le pardon, selon Vladimir Jankélevitch

Ceux qui demandent pardon


La « repentance » de l’Eglise catholique est-elle une demande de pardon pour sa complicité dans la Shoah ?

  • Le texte complet de « La Déclaration de repentance de l’Eglise de France » (Paris et Drancy, le mardi 30 Septembre 1997)
  • Le point de vue d’un site qui tente de rapprocher Juifs et chrétiens
  • Pendant la repentance, les problèmes continuent, en Pologne
  • Un article de L’Humanité

« La Conférence Episcopale de France a rédigé une « déclaration de repentance« , lue à Drancy le 30.9.1997, concernant l’attitude de l’église catholique française sous Vichy, son « silence » sur les déportations de juifs, et l’antisémitisme qui a trop longtemps imprégné son enseignement (« la perfidie des juifs, le peuple déicide »)… » : texte complet à l’adresse : https://evry.catholique.fr/wp-content/uploads/2021/10/1997_Declaration-de-repentance-de-Drancy1.pdf

Le point de vue d’un site qui tente de rapprocher Juifs et chrétiens
Un combat pour la Lumière,  par Gilles BERNHEIM


« Le Pape Jean-Paul II, chef de l’Église catholique romaine, a choisi de visiter, à Jérusalem, deux lieux hautement chargés de mémoire pour la communauté juive : Yad Vashem et le Kotel, le Mur des lamentations. En se rendant à Yad Vashem, Jean-Paul II honore la mémoire de la Shoah, renouvelle sa demande de pardon à D.eu et rappelle que plus jamais, il ne faut permettre que « puissent germer dans le cœur de l’homme les graines empoisonnées de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme ». »

texte complet à l’adresse http://www.chretiens-et-juifs.org/Documents_Dialogue/Bernheim_reaction_voyage_pape_Israel.htm

Pendant la repentance, les problèmes continuent, en Pologne
Catholiques et Juifs en Pologne, par Stefan WILKANOWICZ

« Ces dernières années, deux processus opposés interfèrent : d’un côté, une consolidation du dialogue judéo-chrétien et un progrès dans notre connaissance  de l’histoire et de la culture juives ; de l’autre côté, un antisémitisme aux multiples facettes continue de se manifester, allant d’une méfiance passive à un racisme  virulent. Ce dernier volet de l’éventail est représenté par une petite frange formée de groupuscules de jeunes, fanatiques ou marginaux, qu’il faut se garder de  sous-estimer, car les nombreux phénomènes de frustration et de violence observés dans cette tranche d’âge peuvent à tout moment se retourner contre tel ou  tel milieu. De même, il conviendrait de ne pas prendre à la légère l’image du Juif renvoyée par la télévision : celle d’un militaire tirant sur des adolescents  palestiniens, une image aux antipodes de l’ancien stéréotype, mais non moins négative.
      Cependant, cette décennie a vu naître de nouvelles institutions consacrées à l’histoire et à la culture juives, susceptibles de consolider le dialogue  judéo-chrétien. Citons, entre autres, le Conseil de l’Episcopat polonais pour le dialogue religieux, lequel comprend le Comité pour le dialogue avec le judaïsme,  le Département de l’Histoire et de la Culture juives à l’Université de Cracovie, le Centre des Recherches sur l’Histoire et la Culture juives en Pologne auprès de  l’Université de Varsovie, l’Institut du Dialogue catholico-judaïque de l’Académie de Théologie catholique de Varsovie, le Conseil polonais des chrétiens et des  juifs, le Centre du dialogue à Auschwitz et le Centre de la Culture juive à Cracovie. De nombreuses initiatives sont prises, que ce soit la parution de périodiques  juifs ou intéressés par la même problématique, ou le festival annuel de la Culture juive, au succès incontestable. Ajoutons qu’en 1997 une bonne centaine  d’ouvrages consacrés aux Juifs et au dialogue judéo-chrétien ont paru en Pologne. »

Un article de L’Humanité
Arnaud Spire : Le Saint-Siège dans l’air du temps in l’Humanité (17 mars 1998)


« C’est le propre du repentir d’intervenir toujours trop tard… Comment la reconnaissance par le Vatican de la part de responsabilité prise par l’Eglise catholique et romaine dans la Shoah pourrait-elle échapper à ce reproche? D’autant plus que le génocide des juifs représente aux yeux de beaucoup le crime contre l’humanité par excellence. Un de ceux dont le philosophe Vladimir Jankélévitch disait qu’ils sont ‘imprescriptibles’, le temps n’ayant pas de prise sur eux. C’est précisément ce qui donne à tout acte de repentance une apparence de gratuité et d’inachèvement…. »

texte complet à l’adresse http://www.anti-rev.org/textes/Spire98b/index.html

Voir aussi : La Shoah et le pardon, par Liliane Marton