le tortionnaire de Jean Moulin,
l’organisateur de la déportation des enfants d’Izieu
Un élève du Lycée Blaise Pascal de Lentilly dans le Rhône me demande des renseignements sur Klaus Barbie.
Klaus Barbie était un officier S.S. Il est né le 25 octobre 1913 à Bad Godesberg, une petite ville de la vallée du Rhin.Il s’est engagé dans les S.S. le 26 septembre 1935. Assez vite, on lui confie des tâches de police, à Berlin d’abord, puis, après les premières victoires nazies, en 1940, à La Haye où son rôle consiste à arrêter les réfugiés politiques allemands installés aux Pays-Bas et les Juifs. C’est à cette époque qu’Anne Frank se cache pour échapper justement aux rafles organisées par Klaus Barbie.En 1942, il fut envoyé à Dijon, puis à Lyon en novembre 1942. Là, il dirige la Gestapo. 25 officiers travaillent au début sous ses ordres, davantage ensuite. Il dirige une région qui comprend Lyon, mais aussi le Jura, les Hautes-Alpes et jusqu’à Grenoble.Il organise la chasse aux Juifs dans Lyon, mais aussi la chasse aux résistants, qu’il torture, après l’arrestation.
Le tortionnaire de Jean Moulin
Jean Moulin était l’envoyé en France du général de Gaulle, chargé d’unir les mouvements de résistance. C’était donc le chef le plus important de la Résistance en France. Le 21 juin 1943, Klaus Barbie, probablement renseigné par un traître, réussit à arrêter tous les résistants présents à une réunion, dans la maison du Docteur Dugoujon, à Caluire, dans la banlieue de Lyon. Mais Klaus Barbie ne comprit pas tout de suite qu’il tenait « Max » (surnom de Jean Moulin) et il le tortura affreusement. Jean Moulin ne parla pas et tomba dans le coma. Il devait mourir un peu plus tard, le 9 juillet 1943, dans le train de déportation, aux environs de Metz.
L’organisateur de la déportation des enfants d’Izieu
Le Jeudi 6 avril 1944, Klaus Barbie arrête les 44 enfants juifs réfugiés dans une maison d’Izieu, dans l’Ain, à 80 km de Lyon.
Neuf jours plus tard, ces enfants sont réduits en cendres dans les fours crématoires du camp d’Auschwitz.
Au cours du procès, en 1987, un témoin essentiel, Julien Favet , qui avait assisté à l’arrestation des enfants, a témoigné de la présence de Klaus Barbie sur les lieux, au moment de l’arrestation.
Lyon, envoyé spécial.
Libération, 28 mai 1987
Au matin du 6 avril 1944, Julien Favet est aux champs. Short, torse nu, il attend qu’un gamin de la colonie lui apporte son casse-croûte, comme chaque matin. «Au bout d’un moment, comme je ne voyais rien venir, je suis allé à la maison pour voir ce qu’il s’y passait. » « La maison », c’est le home d’enfants juifs qui s’est installé l’année dernière à Lelinas, aux portes d’Izieu.
« Là, j’ai vu trois hommes en civil accoudés au grand bassin qui est devant le bâtiment. Je les ai regardés. Il y en avait un que je connaissais mais j’ai fait semblant de rien et j’ai continué à marcher en direction de la ferme des patrons. » Favet a repéré la voiture de la police allemande et les deux camions. « J’ai pensé qu’ils arrêtaient tout le village», explique-t-il au président. Il voit les enfants entassés dans les véhicules.
Un soldat l’arrête. « Vous, sauté?», lui dit l’Allemand. Favet ne comprend pas. Tout à l’heure, le jeune étudiant Léon Reifmann a sauté d’une fenêtre pour échapper à la rafle et tous ceux qui passent sur le chemin sont suspects. Un civil vient de se détacher du groupe de trois et s’avance. «Il avait une gabardine et un chapeau mou, c’était Klaus Barbie. » L’homme s’approche de Favet et l’inspecte. Méticuleusement. Pas un seul mot n’est échangé pendant ce long regard. « Et puis il m’a dit quelque chose comme « allez! ».»
Favet repart vers la maison de ses maîtres. «J’ai regardé les camions. Tous les enfants étaient dedans. Les plus grands, qui avaient 10 ou 12 ans, essayaient de s’enfuir en sautant mais deux soldats allemands les rattrapaient tout de suite et les renvoyaient dedans comme des sacs de pommes de terre. » Julien Favet ne peut plus parler.
« Vous avez reconnu Barbie ?», interroge le président. « Oui. c’est exact, je le jure. Je l’ai reconnu a son regard. » Le témoin cherche le mot juste. « Je l’ai reconnu comme si c’était vous, monsieur le président. Sauf votre respect. »
La reconversion d’un nazi
D’abord protégé par les services secrets américains qui l’utilisent au début des années 50, Klaus Barbie se réfugie ensuite en Amérique Latine. En Bolivie, il met ses compétences au services de la dictature. Il dispose d’un passeport diplomatique et va en Europe négocier des achats de véhicules militaires destinés à la répression des manifestations d’opposition. Il se fait appeler Klaus Altmann et prend la nationalité bolivienne.
L’arrestation : le rôle de Serge et Beate Klarsfeld
L’extradition
Le pouvoir politique change en Bolivie et Klaus Barbie est arrêté. La nationalité bolivienne lui est retirée au motif qu’il a fait de fausses déclarations pour l’obtenir. Il est expulsé de Bolivie et se retrouve dans un avion vers la France.
Le procès : témoignage sur la torture
Lyon (envoyé spécial)
D’un geste de la main. Lise Lesèvre refuse la chaise qu’un huissier lui apporte et remercie le président Cerdini pour cette attention. En déséquilibre, elle pose sa canne contre le mur, s’aggrippe à la barre des témoins et redresse la tête, les pieds serrés l’un contre l’autre. Une grande dame de 86 ans. Bouleversante de fragilité et de force, de tranquillité sereine. Seules ses lèvres tremblent, semblant parfois sangloter les mots. Ce qu’elle a à nous dire ne pourrait l’être autrement.
Lise a 43 ans. Ce 13 mars 1944, instinctivement, elle sait que les choses tournent mal. Son contact est en retard. Elle ne peut rester plus longtemps au milieu de cette gare, chargée qu’elle est de plis et de documents à remettre à un messager de l’Armée secrète (AS). Au bout du quai, la Gestapo. « Ils étaient trois, murmure-t-elle, trois sauvages. » Arrêtée pour un contrôle, elle est emmenée à l’Ecole de santé militaire de Lyon, siège de la police allemande puis jetée dans une cave pour la nuit.
«C’est le lendemain que j’ai fait connaissance avec Barbie et ses yeux terriblement mobiles d’animal en cage. » Lise Lesèvre a essayé d’avaler des documents, elle en a fourré d’autres dans ses gants juste après l’arrestation. Mais elle n’a pu dissimuler le pli destiné à « Didier », un jeune agent de liaison sans importance au sein de l’organisation, que la Gestapo va confondre avec «Didier», l’autre, le chef de l’Armée secrète pour la région sud. « Quand Barbie est entré dans la pièce, il était fou de rage, raconte Lise Lesèvre. Il m’a emmenée dans une salle où j’ai tout de suite remarqué les choses étranges posées sur la table. » Nous allons parler de torture. La vieille dame s’excuse auprès du tribunal des détails qu’elle va devoir lui fournir. Elle le fera sans larme.
«D’abord, Barbie m’a mis des menottes à griffes. Des griffes qui sont à l’intérieur. A chaque silence de ma part, il serrait les menottes un peu plus. J’ai cru que mes ongles se détachaient sous la douleur.» Les questions sont les mêmes, toujours les mêmes, jour et nuit. «Où est Didier?», «qui est Didier?» Lise Lesèvre ne parle pas. Peu. importe, la Gestapo a le temps. « Alors, ils m’ont pendue par les poignets et m’ont frappée. Combien de temps? Je ne saurais le dire. Je me réveillais toujours couchée sur le ventre, à terre. Et puis il me pendait à nouveau jusqu’à ce que je perde connaissance. »
Lise Lesèvre parle de Barbie. Elle a eu le temps de le voir, de l’apprendre même, de le garder enfoui. « II portait toujours une cravache ou un nerf de bœuf. Il frappait systématiquement ceux qui étaient à sa portée. Lorsqu’il n’y avait personne, il tapait sur ses bottes. C’était comme ça qu’on le reconnaissait avant l’interrogatoire. Ce bruit terrible du fouet tapé en cadence sur des bottes. Quand il entrait dans la pièce, il n’avait rien d’humain. Vraiment, une sorte de chose sauvage. Il prenait un plaisir sadique à faire mal. »
Lise ne parle toujours pas. Alors Barbie se penche au-dessus d’elle et lui dit : « Noux allons aller chercher ton mari et ton fils. Devant eux, tu parleras.» La femme est effondrée. « Toute seule, raconte-t-elle avec une voix fluette, je pouvais tenir mais avec eux, je savais que cela allait être plus difficile. »
Un matin, son fils de 16 ans et son mari entrent dans la pièce. Lise est là. Ils se frôlent et se souhaitent courage. Gestes pressés, tiédeur de l’autre, instant de silence éternel. «On les a embarqués et moi, on est venu me réveiller en pleine nuit. Barbie m’a emmenée dans une salle avec une baignoire au milieu. Il a enlevé sa montre, l’a accrochée. Il était minuit. Cela a été une terrible épreuve. » Lise refuse de se déshabiller. Des policiers lui arrachent ses vêtements de force et la plonge toute entière dans l’eau.
« Barbie surveillait les robinets. Une brute me pinçait le nez et une autre me versait de l’eau dans la bouche à l’aide d’une vieille boîte à biscuit en fer rouillé. » La femme ne parle pas. « Alors ils m’ont entravé les pieds avec une chaîne et ligoté les mains derrière le dos. » « Qui est Didier ? », hurle Barbie. «Après chaque question, il tirait la chaîne et me plongeait sous l’eau. J’étouffais. On m’avait dit que, pour me noyer, il suffisait de boire, tout de suite mais je n’ai pas su faire, »
Lise Lesèvre se redresse face au tribunal, et passe une main.dans ses cheveux blancs. « Chaque fois qu’ils me ressortaient de l’eau, quand je perdais connaissance, j’avais peur d’avoir dit quelque chose. D’avoir parlé.» Elle reprend son souffle. « Mais je n’ai rien dit, monsieur le président. »
Jetée dans une cellule, elle se retrouve à côté d’une autre combattante. Les deux femmes se serrent l’une contre l’autre pour la nuit. « Nous avons prié et médité », dit-elle simplement. L’autre résistante l’a amenée près d’elle, la recouvrant d’une moitié de son manteau.
Au matin, un officier allemand entre dans la cellule. «J’avais vu sa photo à côté de celle de Hitler, dans le bureau de Barbie. Cela devait être un personnage très important mais je n’ai jamais retenu son nom.» Il se penche vers Lise et lui dit : « Vous êtes très forte mais pas assez pour nous. Vous êtes Didier, chef de l’AS. » Les interrogatoires reprennent.
«J’ai été mise aux fers toutes les nuits. Les chevilles enchaînées et les mains liées aux chevilles. » En chien de fusil, elle s’endort sur le côté. «Au milieu de la nuit, un officier allemand venait me voir. Pas un SS, un soldat. Il m’enlevait la chaîne et disait qu’il reviendrait tôt le matin pour la remettre. Voyez-vous, certains prenaient pitié des torturés. »
Sorj CHALANDON
Quand on la conduit dans la salle de torture, elle croise d’autres malheureux, couchés à terre, ensanglantés. « Barbie prenait un plaisir bouleversant. Au retour des interrogatoires, personne ne pouvait tenir sur une chaise. On nous faisait allonger à terre. Barbie retournait les visages avec la pointe de sa botte et écrasait la tête du torturé lorsqu’il croyait reconnaître un juif. »
Une nouvelle fois, Lise Lesèvre est emmenée. «Ils m’ont fait la table d’étirement. C’était une table en acier. Mes chevilles étaient attachées d’un côté, les poignets de l’autre et ils agrandissaient la table tout en me tapant dessus avec un nerf de bœuf pour contracter mes chairs.» Les tortures durent depuis dix-neuf jours.
Barbie quitte Lyon pour une opération meurtrière dans le Jura et y apprend que Lise Lesèvre s’occupe aussi des maquis. Il revient à son bureau, fou de rage. « Il était ivre. Avec lui, il y avait des Français, comme « Gueule tordue », des pauvres imbéciles qui suivaient. Barbie m’a attachée nue sur une chaise et m’a montré un manche de fouet sur lequel était attachée une boule hérissée de pointes. Ensuite, avec ça, ils m’ont frappée, jusqu’à me massacrer le dos. Ils étaient tous très saouls. Barbie buvait un mélange de bière et de rhum. Il semblait ne plus savoir ce qu’il faisait, comme s’il était devenu fou.»
La femme perd connaissance et se réveille dans un fauteuil. Un vrai. « C’était un salon élégant, avec une rose dans un vase. J’ai cru que j’avais perdu la raison. » Barbie est agenouillé auprès d’elle. « Je vous admire beaucoup, m’a-t-il dit, car vous êtes très courageuse mais j’ai très bien connu ça. Tout le monde parle. Vous parlerez. Pourquoi pas maintenant?» Lise Lesèvre refuse et Barbie explose une nouvelle fois. « Liquidez-moi ça ! », ordonne-t-il à ses policiers, je ne veux plus la voir. »
Avec les dix-sept dernières femmes à avoir été interrogées à Lyon, Lise Lesèvre est parquée dans un convoi d’hommes déportés. Son dossier est resté à la Gestapo, personne ne parle plus de la peine de mort à laquelle un simulacre de tribunal l’a condamnée quelques jours auparavant. Dans le train, son fils. « On s’est embrassés. » Sa voix se brise. « Plus tard, lorsqu’il a été exécuté, ses amis m’ont dit qu’il avait eu une tenue héroïque. Que son courage avait été admirable.» «Mon petit Jean-Pierre», dit-elle. Puis elle parle de son mari, mort à Dachau du typhus, qu’elle a croisé pour la dernière fois dans les couloirs de Lyon lorsqu’il lui a demandé d’être brave.
Lise Lesèvre est déportée à Ravensbrück puis affectée à une usine d’armement. Et là, la petite femme tondue, la captive en galoche qui, chaque jour, note l’histoire de sa vie sur des papiers épars, recommence à se battre. Avec ses camarades, elle sabote les culots d’obus anti-aériens de 90 qu’elle doit sertir, elle ralentit la production, inverse les montages. « Monsieur le président, nos obus n’ont pas du tuer grand monde », dit-elle aujourd’hui avec un petit sourire.
Des années plus tard, alors qu’elle est une femme libre, Lise Lesèvre se penche sur le miroir de sa salle de bain. Derrière elle, son coupé, la télévision retransmet une émission sur Klaus Altmann. Alors, dans la glace, elle voit le reflet du visage de l’homme. « Sans comprendre, j’ai été prise d’une frayeur extrême. Je tremblais. »
Lorsque Me Klarsfeld se lève, le silence est total. D’une voix forte, il lit un passage d’une réaction prêtée à Klaus Barbie et, selon l’hebdomadaire qui l’a publié, VSD, rapportée par Me Vergés. « Quand Barbie a vu cette vieille décatie, aurait affirmé l’avocat au journal, il m’a dit : à 80 ans, elle n’a pas autre chose à faire qu ‘à se traîner devant les caméras avec ses béquilles. Quand on a souffert, on reste chez soi et on se tait.» L’avocat de la partie civile demande que cette pièce soit versée au dossier. Me Vergés, calme, indique qu’il vient d’écrire au journaliste auteur de cet article et souhaite que cette lettre soit, dès lundi, également versée au dossier.
Dans les premières minutes de l’audience, un moineau entré par effraction voletait sous la coupole. Maintenant, il est terré dans un relief de colonne. Comme s’il percevait les signes de détresse.
Libération, 23-24 mai 1987
Le procès : témoignage sur la déportation
Lyon (envoyé spécial)
Mme Lagrange […] n’est qu’une voix et, dès premiers mots, cette dame de 57 ans ressuscite la petite fille de 13 ans qui s’appelait alors Simone Kadosché.
« C’était le 6 juin 1944, un jour de joie, celui du débarquement des alliés. J’ai été arrêtée chez moi, sur dénonciation d’une Française. avec mon père et ma mère. Nous avons été conduits place Bellecour à la Gestapo. Dans le hall, des femmes allemandes en uniforme disaient « kaput », elles disaient qu’on ne reviendrait pas. On nous a disposés tous les trois devant chaque mur de lu pièce, c’était un salon beige. Barhie est entré, il portait un chat danss ses hras. Il le caressait… Je n’avais pas peur, il ne ressemblait pas aux SS que l’on racontait aux enfants.
«Il est allé voir mon père puis ma mère les a dévisagés de la tête aux pieds. Il est venu vers moi, il m’a caressé la joue, il m’a dit que j’étais mignonne. Il a demandé à maman si elle avait d’autres enfants. Elle en était fière, elle a dit oui, deux, plus jeunes. Ils sont à la campagne. Il a posé son chat, il m’a demandé l’adresse de mes frères. Nous ne la connaissions pas encore.
«Barbie a tiré sur la résille qui retenait mes longs cheveux blonds. Ils se sont déroulés, il a tiré dessus de toutes ses forces et j’ai reçu la première paire de gifles de ma vie. Mon père a tenté de s’interposer, on lui a mis un revolver sur la tempe. »
Jean-Baptiste HARANG
Madame Lagrange est tendue par un immense effort de lucidité que l’on croyait acquise mais qui se brise dans des larmes aussitôt ravalées. La famille
Kadosché est conduite à Montluc: «J’étais avec ma mère dans la cave. C’est idiot, ce que je vais dire, j’avais 13 ans et j’étais effrayée à l’idée qu’il puisse
y avoir des rats. Je n ‘ai pas dormi. Toute la nuit, par le soupirail, j’ai vu descendre des familles juives.
« Barbie voulait l’adresse des enfants. A 9 heures, il m’a emmenée dans sa voiture à la Gestapo. J’y suis restée toute la journée, il arrivait avec son sourire mince comme une lame de couteau. Cela a duré sept jours, coups de pied, coups de poing sur les plaies mal refermées de la veille. Le premier soir. il m’a ramenée lui-même à Montluc, j’étais comme .un pansement sanguinolent. Il m’a jetée dans les bras de ma mère en lui disant : « Voilà ce que tu as fait de ta fille. » Après une semaine, il m’a mise dans une autre cellule, pendant quinze jours. Ma mère a cru que j’avais été tuée. »
Le 23 juin 1944. Simone retrouve sa mère dans un convoi pour Drancy puis c’est le vovage vers Auschwitz. cinq jours et quatre nuits dans un wagon à
bestiaux: «J’étais avantagée, j’étais prés de la porte. Il y avait une tinette au milieu, des hommes tenaient des vêtements tendus pour cacher ceux qui faisaient leurs besoins. Nous étions tous là à vomir. Le premier matin, on a trouvé un mort. C’est à partir de là qu’on est devenu des gens différents. On
était soulagé d’avoir un peu plus d’air et de place lorsqu’on entassait les morts. »
Auschwitz : « Mon premier drame, c’est quand on m’a enlevé mes cheveux ; voir toutes ces femmes nues. sans cheveux. sans poils, je ne me rendais pas compte que j’étais pareille. J’étais humiliée d’être immatriculée. A 86.24. Je me suis pincée jusqu’au sang, le quatre s’est à moitié effacé, ce furent mes premiers dix coups de schlague. On nous a dit : « Ici, on entre par la porte, on sort par la cheminée « , odeur douce, acre, amére. Je crains toujours de faire brûler un rôti, j’ai des souvenirs comme cela.
« Je suis restée avec maman jusqu’au 23 août 1944. C’était la libération de Paris, c’est le jour où ma mère a été gazée. Les femmes faisaient la queue
pendant trois heures: leurs enfants à la main, pour être gazées. Les chambres à gaz existent, elles sont griffées jusqu’au plafond. »
Le 11 août 1944. le père de Simone Kadosché et ses deux neveux embarquent dans le dernier convoi. Le 18 janvier 1945, 25 000 déportés d’Auschwitz évacuent le camp à pied pour Ravensbrück. Le 11 février, à l’arrivée, ils ne sont plus que 2 000. « Mon père était très grand. Le lendemain de notre départ, j’ai vu une tête qui dépassait dans une colonne d’hommes, je lui ai fait signe, c’était mon père. Les Allemands n’avaient plus rien, ils étaient en civil, en bottes et en capote. Un Allemand m’a dit : « C’est ton père ? » Tu vas l’embrasser. Il a fait venir mon père. » Silence. Mme Lagrange se tait pour dénouer des larmes, en boule, au fond de sa gorge.
« II a fait venir mon père, il l’a fait mettre à genoux. Il lui a tiré une balle dans la tête. Ce n’est pas Barbie qui lui a tiré une balle dans la tête mais c’est
Barbie qui nous a envoyés là-bas. Mon malheur a été de n’avoir que 13 ans quand j’ai été déportée. Mais aujourd’hui, je n’ai que 57 ans et je peux témoigner longtemps, pour tous ceux qui ne sont pas revenus. »
En 1972. Mme Lagrange a reconnu Klaus Barbie à la télévision. Elle n’a pas voulu le croire. « Et puis, en 1983, j’ai été confrontée à Barbie. J’ai dit que s’il y avait le moindre doute, que si Barbie avait un remords, je retirerais ma plainte. Pas une seule fois, nos yeux se sont baissés. Il m’a dit : «Si je vous regarde, c’est parce qu’après sept mois de prison, c’est toujours agréable de voir une femme appétissante.» J’ai fait consigner cette phrase et il m’a dit : «C’est dommage que vous ne compreniez pas la plaisanterie.»
Libération, 25 mai 1987
Le procès : réquisitoire et plaidoiries
La défense de Maître Vergés et de Maître Bouaïta repose sur l’idée que tous les crimes contre l’humanité n’ont pas été punis de façon égale, et en particulier les crimes du colonialisme.
Klaus Barbie et son avocat, Maître Vergès
Le verdict
Klaus Barbie est mort en prison le 25 septembre 1991.
Voir aussi, Paul Touvier et la Milice à Lyon
et Quatre criminels contre l’humanité jugés en France