Un article du journal Le Télégramme donne le point de vue d’une rescapée d’Auschwitz
Les élections européennes de 2024 en France, puis les élections législatives donnent une certaine avance au parti d’extrême droite Rassemblement national.
Dans ces circonstances, la majorité des Juifs de France appelle à faire barrage au fascisme de l’extrême droite, xénophobe, sexiste, raciste et anti-LGBT.
Cependant, une personnalité importante, Serge Klarsfeld, qui fut un chasseur de nazis et contribua à l’arrestation de Klaus Barbie, a considéré que le RN était un parti « pro-juif » et pourrait votre pour lui. Sans doute Serge Klarsfeld, qui est très favorable à la politique de l’État d’Israël, a-t-il été choqué par le choix fait par la Gauche de soutenir les droits du peuple palestinien, menacé à Gaza d’un génocide par l’action de l’armée israélienne.
Dans l’article qui suit, Denise Toros-Marter, déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, réagit :
« On ne vote pas pour l’extrême droite, voilà ! » : l’appel d’une rescapée d’Auschwitz avant les législatives
Le 28 juin 2024
Denise Toros-Marter, rescapée d’Auschwitz à 16 ans, a lancé un appel à voter aux élections législatives contre l’extrême droite et ses « relents antisémites et xénophobes ».
« J’ai été déportée à Auschwitz, j’ai perdu toute ma famille, mon père, ma mère et ma grand-mère qui ont été gazés et c’est évident que les histoires qui risquent de se répéter avec la poussée de l’extrême droite, ça m’inquiète beaucoup », commence Denise Toros-Marter, 96 ans et présidente depuis près de 40 ans de l’Amicale des déportés d’Auschwitz Marseille-Provence, interrogée par l’AFP.
« Pour nous, c’est inquiétant »
En France, il reste « peut-être 80, 90 » rescapés du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau et, « pour nous, c’est inquiétant de voir cette poussée vers le Front National qui, bon, tout en étant plus ou moins édulcoré par rapport à l’ancien FN, a quand même des relents qui nous rappellent l’antisémitisme et la xénophobie ». Alors, cette semaine, Denise Toros-Marter a accepté de prendre la parole pour dire : « On ne vote pas pour l’extrême droite, voilà ! ».
Mardi, le quotidien régional La Provence publiait son interview pour accompagner un article sur une possible tentation chez des juifs de Marseille, deuxième communauté juive de France et troisième d’Europe, de voter RN. « Je vois que les gens sont déçus actuellement et cherchent une bouée de secours, peut-être, et ils croient la trouver dans le Front national », analyse celle qui a témoigné toute sa vie auprès de lycéens et a publié le livre « J’avais seize ans à Pitchipoï », un mot qui dans la culture yiddish désigne un « petit village imaginaire » et s’est avéré être Auschwitz…
En 2005, elle avait raconté à l’AFP comment, en janvier 1945, elle avait été sauvée par l’arrivée des Russes. Après huit mois passés dans ce camp, elle pesait 32 kilos, gisait sur un lit, les pieds gelés. Elle devra sa survie à l’intervention d’un médecin.
« La communauté juive actuelle est peut-être composée de beaucoup de rapatriés d’Algérie qui n’ont pas connu l’occupation, l’internement, la déportation, la solution finale. Et, par crainte d’un débordement à gauche peut-être, d’un mécontentement de la politique du gouvernement actuel et de l’antisémitisme et de la xénophobie qui peut se propager, votent pour le Front national », avance cette figure de la mémoire qui donnera à la rentrée son nom à une école de la deuxième ville de France.
Serge Klarsfeld « tombe dans un piège »
En revanche, la position de Serge Klarsfeld, elle n’arrive pas à la comprendre. Comment ce défenseur inlassable de la cause des déportés juifs de France peut-il dire qu’il votera au centre mais qu’en cas de duel entre le Rassemblement national et La France insoumise, il voterait sans « hésitation » pour le RN, qui a « fait sa mue » et « soutient les Juifs » face à LFI qui serait, selon lui, « résolument antijuif » ? Une accusation vivement contestée par le parti de Jean-Luc Mélenchon.
« Je lui ai envoyé un mail lundi, en lui demandant des explications sur sa position », « des éclaircissements sur son attitude », mais sur « un ton très amical, vu son parcours et son passé », raconte Denise Toros-Marter, qui connait personnellement le couple Klarsfeld.
« Je suis perplexe sur sa position : est-ce que c’est un recours contre l’extrême gauche ? Mais ce n’est pas pour autant valable pour abonder vers l’extrême droite », « il tombe dans un piège ».
Pour aller plus loin :
- Les Archives de l’INA retracent l’évolution de Serge Klarsfeld, qui autrefois demandait l’interdiction du Front National, et valide aujourd’hui le vote pour le Rassemblement national : Serge Klarsfeld et le Front national : du combat à la validation
- Un article de la revue Philosophie magazine : Le RN toujours antisémite ?
- Un texte assez violent contre la position de Serge Klarsfeld, par l’Association des amis de Maurice Rajsfus, qui, adolescent, avait échappé à la Rafle du Vél’ d’hiv’ : Les Klarsfeld persistent et signent dans l’ignominie