Ghislain Mayer, lycéen de Nancy, me demande : « En quelle année la solution finale a-t-elle été mise en oeuvre ? »
La solution finale suit de peu l’attaque nazie contre l’URSS. À ce moment-là, l’idée d’expulser les Juifs vers d’autres territoires (Madagascar…) est abandonnée. Voici l’avis de l’historien Jean Dujardin :
Les premiers massacres
Le génocide a commencé par des assassinats collectifs. A partir de juin 1941, quatre « groupes d’intervention » (Einsatzgruppen, ou Einsatzkommandos), sous l’autorité directe de Heydrich, arrêtent et fusillent tous les individus jugés dangereux. Très rapidement, leur mission s’étend à l’ensemble des Juifs des territoires occupés, hommes, femmes, enfants. De juin 1941 à janvier 1942, les massacres ont fait environ 750 000 victimes. Mais la méthode a ses limites. Si, en effet, dans un premier temps, les populations occupées ne voient pas d’un mauvais œil d’être débarrassées des Juifs, elles s’inquiètent du caractère massif des tueries, et craignent qu’elles ne s’étendent à leurs proches et à elles-mêmes. En outre, du côté allemand, le secret devient difficile à garder. Pis encore, les tueurs supportent mal physiquement et psychologiquement la tâche qui leur échoit. Il faut donc trouver d’autres méthodes.
Les premiers gazages
Le 7 décembre 1941 commence le gazage des juifs à Chelmno. Depuis le 14 octobre 1941, l’ordre a été donné de déporter les Juifs du Reich vers les ghettos d’Europe orientale. Le 31 juillet 1941, Goering a adressé à Heydrich une lettre dans laquelle, après lui avoir rappelé l’arrêté du 24 janvier 1939, où il était question d’émigration et d’évacuation, il lui a demandé « de prendre toutes les mesures préparatoires nécessaires […] pour obtenir une solution totale de la question juive dans la zone d’influence allemande en Europe ». Plus loin, il a ajouté les mots : « pour réaliser la solution finale désirée de la question juive».
La conférence de Wannsee
La machine administrative s’est donc mise en marche. Le 20 janvier 1942 a lieu la conférence de Wannsee. Heydrich, qui la préside, affirme avoir les pleins pouvoirs pour la préparation de la « solution finale ». Si l’on rapproche de ce fait les assassinats collectifs antérieurs, on en conclut à la mise en route consciente du processus d’extermination totale. D’autant que le plan mis au point à Wannsee concernait toute l’Europe, d’Ouest en Est. Les déportations se généralisent. Aucun pays sous influence allemande n’est épargné.
Extraits de l’article Shoah par Jean Dujardin, (intertitres ajoutés)
dans 1938-1948, Les années de tourmente, de Munich à Prague, Dictionnaire critique,
sous la direction de J.-P. Azéma et F. Bédarida, Flammarion, 1995
Voici un document qui vient du compte-rendu de la Conférence de
Wannsee. Les nazis font la liste des Juifs à exterminer, pays par pays.
La liste A est celle des pays qui sont directement sous la domination nazie.
La liste B est celle des pays qui ne le sont pas encore. Au total, en bas
de la feuille, ce sont 11 millions de Juifs que les nazis prévoient
d’exterminer :
Pays | Nombre |
A. Allemagne Marches de l’Est Territoires de l’Est [Territoires annexés] Gouvernement général [Pologne] Byalistok [Est de la Pologne] Protectorat de Bohème-Morabie [Tchéquie] Estonie – sans juifs – Lettonie Lithuanie Belgique Danemark France zone occupée zone non occupée Grèce Pays-Bas Norvège | 131.800 43.700 420.000 2.284.000 400.000 74.200 3.500 34.000 43.000 5.600 165.000 700.000 69.600 160.800 1.300 |
B. Bulgarie Angleterre Finlande Irlande Italie (Sardaigne comprise) Albanie Croatie Portugal Roumanie (Bessarabie comprise) Suède Suisse Serbie Slovaquie Espagne Turquie (partie européenne) Hongrie URSS Ukraine 2.994.684 Biélorussie (Byalistok exclu) 446.484 | 48.000 330.000 2.300 4.000 58.000 200 40.000 3.000 342.000 8.000 18.000 10.000 88.000 6.000 55.500 742.800 5.000.000 |
Total : au dessus de | 11.000.000 |