En 1945, le tribunal de Nuremberg, chargé de juger les chefs nazis, définit ainsi le crime contre l’humanité:
« assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal ».
Le tribunal précise qu’il est compétent pour « juger et punir toutes personnes qui, agissant, pour le compte des pays européens de l’axe, auront commis individuellement ou a titre de membres d’organisations » des « crimes contre l’humanité ».
Et aujourd’hui ?
La loi française a désormais intégré la notion de crime contre l’humanité.Cela se trouve dans le livre II du nouveau Code pénal, entré en vigueur en mars 1994. Le procureur général Pierre Truche définit cette nouvelle notion juridique dans un article de la la revue « Esprit » :
Sont incontestablement crimes contre l’humanité ceux commis contre les Juifs et les Tsiganes. [… ]
Les Juifs furent arrachés à leur milieu de vie, à leur famille, à leur travail, pour être déportés dans les camps situés principalement en Europe de l’Est où, comme il fut convenu à la Conférence de Wannsee, ils devaient être mis au travail «avec l’encadrement voulu et des méthodes appropriées», de telle sorte que «sans aucun doute, une grande partie disparaîtra par décroissance naturelle» et qu’aux autre@ il faudra appliquer «un traitement approprié », d’où les exterminations qui s’ajoutaient aux assassinats commis aussitôt après les arrestations dans le pays d’origine.
Ce fut le sort de millions de Juifs. Chacun d’eux fut d’abord atteint individuellement. Ce n’est pas le nombre qui fait le crime contre l’humanité, même si l’indignation qu’il a déclenchée est à l’origine de l’élaboration du texte, conséquence des protestations des gouvernements alliés des 13 janvier et 18 décembre 1942 et de la déclaration de Moscou. Il faut donc aller chercher ailleurs la raison pour laquelle il a paru indispensable de dépasser les qualifications de droit commun.
Le crime contre l’humanité est la négation de l’humanité contre des membres d’un groupe d’hommes en application d’une doctrine. Ce n’est pas un crime commis d’homme à homme, mais la mise à exécution d’un plan concerté pour écarter des hommes de la communauté des hommes. [… 1 On distingue ce qui singularise le crime contre l’humanité des autres crimes: il est commis systématiquement en application d’une idéologie refusant par la contrainte à un groupe d’hommes le droit de vivre sa différence, qu’elle soit originelle ou acquise, atteignant par là même la dignité de chacun de ses membres et ce qui est de l’essence du genre humain. Traitée sans humanité, comme dans tout crime, la victime se voit en plus contestée dans sa nature humaine et rejetée de la communauté des hommes. [… 1 Une seule disposition lui confère [au crime contre l’humanité] un régime [légal] particulier: il est imprescriptible, c’est-à-dire que ses auteurs peuvent être poursuivis jusqu’au dernier jour de leur vie.
Pierre Truche
La Notion de crime contre l’humanité,
in Esprit, n’ 181,1992
Voir aussi :