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Les journaux clandestins ont informé les Français des arrestations

Une lycéenne du 94 demande : « Je cherche des articles de journaux (clandestins) rapportant le déroulement d’arrestations de Juifs vers 1943. »

Il y a eu, en effet, des journaux clandestins qui ont informé les Français des rafles et des arrestations de Juifs. Les journaux clandestins n’étaient pas des journaux qui fonctionnaient par reportages, comme les journaux d’information actuels. C’étaient des journaux militants, qui donnaient les informations utiles pour organiser le combat de la résistance. Les principaux sont :

  • « J’accuse », « Fraternité », « Combat médical », « Lumières » et « Clarté », journaux du Mouvement national contre le racisme
  • « Notre Voix », « Notre Parole », « Droit et liberté », « La Voix de la Femme Juive », journaux de la Section Juive de la M.O.I. (communistes)
  • « Unzer Wort » (« Notre parole »), « Solidaritet » (« Solidarité »), « Le Travailleur Juif », journaux juifs en yiddish de la M.O.I..
  •  « Jeune combat », « En avant », « Résister », journaux de jeunes Juifs de la M.O.I..

Certains de ces journaux ont clairement informé des rafles. Ainsi, ce numéro de « Fraternité » de mars 1943, avec comme titre principaux :

ARRESTATIONS ET DEPORTATIONS MASSIVES DES VIEILLARDS ET DES ENFANTS JUIFS
DES MILLIERS DE JEUNES MENACÉS DANS LEUR EXISTENCE
À PARIS, LES BOCHES POURCHASSENT ENFANTS, VIEILLARDS ET MALADES JUIFS
DANS TOUTE LA FRANCE, C’EST LA RAFLE DES JEUNES POUR LA DEPORTATION
et un appel au secours des enfants juifs :
AU SECOURS !

Dès 1942, les Français ont pu être informés, dans les grandes villes du moins, par ces tracts et journaux qui circulaient.
Ainsi, ce numéro de « J’accuse », n°3, de novembre 1942, décrit-il les rafles de façon précise :
 

LA CHASSE AUX HOMMES, FEMMES ET ENFANTS JUIFS BAT SON PLEIN.
DES JUIFS GRECS, TURCS, DES FEMMES ET DES ENFANTS DE PRISONNIERS DE GUERRE SONT TRAÎNÉS A LA DÉPORTATION DONC A LA MORT

Les Juifs, aujourd’hui humiliés, traqués, exterminés, ont arrosé le sol français de leur sang. 7000 Juifs morts sur le champ d’honneur en 14-18, la plupart engagés volontaires. 20 000 tombés dans la guerre 1939-1940. Des milliers d’autres souffrent dans les stalags. […] Des atrocités inouïes sont commises à l’égard de ceux qui, au cours des deux guerres, ont fait preuve d’un attachement indéfectible à la france. Cette extermination massive n’épargne même pas les femmes et les enfants des volontaires […]
LA BARBARIE CONTINUE SUR NOTRE SOL
Une nouvelle razzia de Juifs vient d’être opérée dans plusieurs endroits des deux zones. En Seine-et-Oise et en Seine-et-Marne se sont produits les mêmes événements tragiques que ceux du 16 juillet à Paris. A Paris même, on a arrêté des familles juives originaires de Grèce et de Turquie. Selon Radio-Genève, 35 000 familles juives ont été dispersées la semaine dernière en France. Les enfants sont arrachés à leurs parents et dirigés vers les camps, en attendant la déportation ; hommes et femmes, séparés, sont déportés, toujours dans une destination inconnue. Pour ne pas susciter l’indignation de la population française, les policiers ont l’ordre de faire ces rafles la nuit ou le matin de bonne heure, avec le minimum de bruit. […]

J’accuse, n°3, novembre 1942

Assez rapidement, les journaux clandestins et particulièrement ceux de la Résistance juive, informent des massacres en Pologne et expliquent qu’il s’agit bien d’une extermination. Voici quelques titres :

LES TORTIONNAIRES JUIFS BRÛLENT ET ASPHYXIENT DES MILLIERS D’HOMMES, DE FEMMES ET D’ENFANTS JUIFS DÉPORTÉS DE FRANCE

J’accuse, n°2, octobre 1942


LES JUIFS MEURENT COMME DES MOUCHES EN DÉPORTATION EN POLOGNE

J’accuse, n°5, novembre 1942

LA POLOGNE TOUTE ENTIÈRE – VASTE ABATTOIR DES JUIFS

J’accuse, n°7, 25 décembre 1942

2 MILLIONS DE JUIFS ASSASSINÉS EN POLOGNE : JEUNES, VENGEONS LES CRIMES ABOMINABLES DES FASCISTES

En avant, sans date

PAR LE FEU ET LE FER LES HITLÉRIENS ACHÈVENT L’EXTERMINATION TOTALE DE 4 MILLIONS DE JUIFS EN POLOGNE !

J’accuse, n°14, juin 1943

On ne peut dire aujourd’hui que les dirigeants de Vichy, les préfets, les collaborateurs les ministres… ne savaient rien de la destination des Juifs et de leur devenir. Les militants Juifs de la M.O.I. avaient ces informations.
Certains Français n’avaient pas d’oreille, d’autres – ou les mêmes – n’ont pas eu de mémoire ensuite.

Bibliographie :

Stéphane Courtois, Adam Rayski, Qui savait quoi ? L’extermination des Juifs 1941-1945, Éditions La Découverte, Paris, 1987 (contient de nombreux extraits de journaux)