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La vie d’un milicien criminel Paul Touvier

Rémy Girard, élève du Collège André Cotte de Saint-Vallier (26) me demande une biographie de Paul Touvier.

Touvier (Paul) (1915-1996)

Né dans une famille savoyarde catholique, Paul Touvier n’a pas fait particulièrement honneur à ses éducateurs de l’institution Saint-François-de-Sales de Chambéry qu’il quitte à seize ans pour un emploi d’expéditionnaire au PLM à Ambérieu. A la veille de la guerre, déjà veuf, il vit à Chambéry. Il ne se distingue pas spécialement dans la guerre à la 8e division d’infanterie nord-africaine où, à la suite du bombardement de Château-Thierry, il est retrouvé errant.


Paul Touvier avant-guerre (Tallandier).

Il revient en 1940 à Chambéry occupé par les Italiens et adhère à la Légion française des combattants en octobre, sans dépasser le modeste poste de responsable de quartier, ce qui est normal s’agissant d’un combattant de 1939-1940.
La vie de Touvier prend un nouveau cours avec la création du SOL et de la Milice où l’héritage social, la notoriété combattante comptent moins que l’action et la conviction idéologique. Il bénéficie du premier stage de l’École des cadres de la Milice à Uriage où sont détectées ses qualités de policier. Il est chargé du deuxième service de la Milice en Savoie. L’employé obscur disparaît. M. Paul est né. De la Savoie, Touvier est appelé à Lyon où il est équipier national, chef régional de la Milice (dix départements), inspecteur national et en janvier 1944 chargé de mission au secrétariat d’État au Maintien de l’ordre. La politique et la police politique apportent à Touvier la réussite sociale, des satisfactions psychologiques et des avantages matériels. Il infiltre la Résistance, interroge des prisonniers, dirige des rafles, pille des biens et venge Henriot en faisant fusiller sept juifs à Rillieux-la-Pape, le 29 juin 1944 .

En août 1944 Touvier reste au siège de la Milice à Lyon, 5, impasse Cathelin. Il ne suit pas les Allemands. Sans doute se croit-il protégé. Il a pu établir des contacts avec la Résistance modérée. Il veut jouir d’une petite fortune mal acquise. L’abbé Stéphane Vautherin le conseille et obtient de lui la libération de prisonniers. Il lui offre son premier asile clandestin en septembre 1944. Commence pour Touvier une fuite loin de Lyon : une pension de famille (achetée 300 000 francs) offre un abri à Montpellier. Il se retrouve ensuite à Ceignac puis à Boutencourt dans l’Oise où des membres de sa famille sont arrêtés par les gendarmes qui ne s’intéressent pas à Touvier, lequel présente des papiers au nom de « Trichet ».

Le 10 septembre 1946, Paul Touvier est condamné à mort par contumace par la cour de justice de Lyon, et le 4 mars 1947 à la même peine par la cour de justice de Chambéry. Après 1967, Touvier, qui bénéficie de la prescription des crimes de guerre, vit à Chambéry dans la maison de famille. La volonté de recueillir sa part d’héritage, ce que les peines accessoires interdisent, l’amène à se découvrir. Les multiples démarches en sa faveur de Mgr Duquaire, protecteur et ami du couple Touvier, aboutissent le 23 novembre 1971 à un décret de grâce du président Pompidou. Les associations de résistants portent plainte en novembre 1973 contre Touvier pour complicité de crime contre l’humanité, ce que justifient l’assassinat des époux Basch et la fusillade de juifs à Rillieux-la-Pape.

Le 13 août 1992 la chambre d’accusation conclue par un non-lieu qui suscite une vive émotion. Le procureur général de Paris, Pierre Truche, forme un pourvoi devant la Cour de cassation qui casse cet arrêt de non-lieu le 27 novembre 1992. La Cour d’assises des Yvelines juge Touvier et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité.

Bibliographie : René Rémond, Paul Touvier et l’Église, Fayard, 1992.


Michèle Cointet,
Dictionnaire historique de la France sous l’occupation, Tallandier, 2000
(Je recommande vivement cet ouvrage qui peut être acheté pour les C.D.I.)

Paul Touvier est mort en juillet 1996 à la prison de Fresnes, à l’âge de 81 ans.

Les protections dont a bénéficié Touvier :

Protections et sollicitations.

La police ne poursuit pas Touvier avec beaucoup d’acharnement. Arrêté en 1947, il s’échappe sans difficulté de la rue des Saussaies après avoir fourni les noms des ecclésiastiques qui lui ont donné asile.
Mgr Decourtray, archevêque de Lyon, a mis à la disposition d’une commission d’historiens présidée par René Rémond, des archives de l’archevêché de Lyon afin d’éclairer les protections ecclésiastiques dont Touvier a profité. Il les a sollicitées sans cesse, se présentant en catholique fervent et en père inquiet. Il se dit persécuté par des tribunaux sous influence communiste. Trois périodes doivent être distinguées :
– Après la Libération, Touvier bénéficie du droit d’asile qui avait été accordé sous l’Occupation à des résistants et de secours donnés à des prisonniers et à des réfugiés dans le besoin.
– De 1967 à 1981, l’homme n’est plus condamné. Il devient le protégé de Mgr Duquaire, prêtre charitable et simple, secrétaire des archevêques de Lyon. Il agit avec méthode et acharnement pour obtenir un grâce présidentielle. Jacques Dérogy dénonce dans L’Express du 15 juin 1972 cette grâce que Georges Pompidou justifie ainsi : « Allons-nous garder éternellement saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? »
– Touvier reprend son errance, passant à l’hôtellerie de la Grande-Chartreuse, à l’abbaye de Fontgombault et ne trouvant bientôt plus que des portes fermées, sauf au prieuré Saint-François à Nice où il est arrêté le 24 mai 1989.

Michèle Cointet,
Dictionnaire historique de la France sous l’occupation , Tallandier, 2000
(que je recommande une nouvelle fois)

Voir aussi la page sur Le rôle de la milice dans l’extermination des Juifs